14 mars 2022

Les enjeux de la digitalisation du service public

FranceConnect, Mon Espace Santé, ServicePublic+...les instances publiques se digitalisent les unes après les autres.

Cette digitalisation doit faire face à beaucoup d’obstacles : d’un côté, les milliers de structures publiques ; de l’autre, les 67 millions de Français. Soit beaucoup d’organisations à digitaliser pour servir beaucoup de citoyens. À rajouter que toutes les démarches ne sont pas dématérialisables.

Complexe, la fonction publique porte de nombreuses ramifications et interconnexions qui retardent les possibles avancées technologiques. Tour d’horizon des enjeux et des solutions autour de la digitalisation du service public.

La gestion des données

Si c’est de moins en moins le cas, les données recueillies par les entités publiques sont inaccessibles. Dispersées, hétérogènes, erronées ou datées, les données ne sont pas assez bien collectées et traitées pour être exploitables. L’initiative Open Data du gouvernement est un bon début, mais n’est qu’un début.
Accéder à la donnée ou à son registre, numériser les données papier, comparer des données multiformes ou sous diverses syntaxes restent des enjeux considérables pour un État pleinement digital.

Comment y répondre ? 

Certaines pistes se dégagent pour améliorer la collecte et le traitement des données :

  • Démarrer sur une petite échelle en ayant une vision très claire du résultat
  • Cartographier les registres les plus pertinents selon des caractéristiques sémantiques ou techniques pour pointer le manque ou le doublon de données
  • Créer des composants standardisés qui facilitent le partage de données afin de tout rassembler en un endroit accessible
  • Conduire son projet en mode agile pour délivrer rapidement des cas d’usage
  • Nommer une agence de données qui établit les règles, pilote le projet et rassemble les talents.

Une infrastructure IT solide

Avec chacune ses propres outils, les administrations publiques auraient bien du mal à regrouper toutes les informations et les démarches en un seul endroit. Sécurisée, performante et accessible, l’infrastructure IT doit être assez solide pour fonctionner à n’importe quel moment.

Comment y répondre ? 

De nombreuses offres d'infrastructures cloud sont proposées par les entreprises du marché. En optant pour ces solutions, les administrations peuvent bénéficier d'infrastructures performantes, scalables et interconnectées. Il leur faudra toutefois intégrer les contraintes de sécurité et de réglementations propres à l’administration publique.

La migration sur le Cloud

L’enjeu de la migration sur le Cloud est tel qu’il a déjà été réfléchi pour certains acteurs. Des ministères ont déployé leur propre service de Cloud, tandis que d’autres se penchent sur un Cloud public validé par le Gouvernement. Toutefois, cela laisse de côté bon nombre d’acteurs qui, s’ils sont moins accompagnés, disposent de plus de liberté.

Comment y répondre ? 

En invitant les administrations concernées à migrer sur un Cloud approuvé. Celui-ci est qualifié SecNumCloud, se situe en France ou en Europe, respecte les règles de droit, dispose de plusieurs services et simplifie l’appairage pour une bonne performance à des coûts raisonnables. Le choix du Cloud n’étant pas à minimiser, l’intervention d’experts aide à choisir l’hébergeur le plus en phase avec ses problématiques.

La gestion des risques de cybersécurité

L’État et ses administrations ayant accès aux données civiles, médicales, d’emploi ou de situation familiale, ils ne peuvent s’aveugler devant les dangers d’une cyberattaque, notamment dans des phases de tension internationales. C’est là qu’intervient l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) qui concentre, agit et informe des cybermenaces. Selon l’organisation, les principales lacunes se situent dans :

  • Des usages similaires entre les utilisateurs et les administrateurs
  • Un cloisonnement insuffisant des systèmes
  • Des agents pas suffisamment sensibilisés
  • Peu de restrictions d’accès aux périphériques
  • Ou encore, une faible surveillance des systèmes d’information.

Comment y répondre ? 

Puisque les failles se trouvent aussi bien au niveau des comportements individuels que de la sécurisation des systèmes, une double approche est nécessaire. La mise en place de bonnes pratiques, la formation des agents publics et une aide à la maîtrise de son réseau forment le premier socle de réponse aux risques.
Pour aller plus loin, les administrations sont invitées à repenser leurs infrastructures et/ou leur hébergeur Cloud. Certaines entreprises, dont des hébergeurs, répondent aux conformités du Gouvernement, comme la certification HDS (Hébergement des données de santé) qui s’avèrent clés dans la lutte contre la cybercriminalité.

La conduite du projet

S’il est trop ambitieux ou trop contraignant, le projet risque de rester au stade d’idée. Plusieurs bonnes pratiques sont développées par les entreprises françaises, mais n’atteignent pas encore l’environnement des agents publics.

Il faut infuser de l’agilité dès le lancement du projet. Plus facile à dire qu’à faire, l’État ayant du mal à recruter certains talents, au point de mettre en place une plateforme de recrutement des métiers du numérique.

Comment y répondre ? 

Par une meilleure acculturation des acteurs clés aux méthodes de développement applicatif itératif : Scrum, agile… Cette tâche relève des agents du service public ou des organisations spécialisées.
Par ailleurs, les administrations doivent impérativement se concentrer sur un point précis, développer un projet aux contours très nets et le faire grandir uniquement une fois qu’il est assez solide. La Cour des Comptes propose des solutions dans ce sens “Il est nécessaire de diminuer la taille des projets en les allotissant, de manière à permettre des mises en service successives. Un projet divisé en tranches permet d'apporter plus rapidement une valeur ajoutée pour les utilisateurs, ce qui renforce sa visibilité et donc l'adhésion des utilisateurs. La mise en service progressive permet aussi d'apporter les améliorations fonctionnelles nécessaires à une évolution du contexte ou des missions du ministère.”

L’accès à l’outil

Bien que les Français se digitalisent, il est illusoire de croire que tous surfent facilement sur le web et les applications. La fracture numérique reste un vrai sujet, tout comme les zones blanches. Les publics en situation d’isolement, fragilisés ou hors de la société ne bénéficient pas des avancées technologiques pourtant inclusives.

Comment y répondre ? 

L’État travaille déjà la question via la consolidation de son socle : le Plan France Très Haut Débit.
En parallèle, et à l’initiative de l’État ou des entités territoriales, des formations se mettent en place grâce à des chèques formation, des cours ouverts à tous ou des mises à niveau qui ciblent les exclus du digital.
Certains départements développent des cabines à usage libre pour la téléconsultation ou les démarches administratives dans les paysages ruraux.

L’adoption de l’outil

S’il est pensé sans l’avis des usagers, il est probable que l’outil reste au fond du tiroir. La Cour des comptes le résume parfaitement : “La Cour reproche également aux gestionnaires de projets informatiques de ne pas prendre suffisamment en compte les besoins des utilisateurs. L'exemple du projet Cassiopée est particulièrement frappant : alors que ce système devait unifier les applications existantes au sein du ministère de la Justice afin de gérer l'ensemble de la chaîne pénale, il est apparu au bout de dix ans, alors que le coût et les délais avaient été pourtant multipliés par deux, que le système ne répondait pas aux besoins des magistrats instructeurs, qui n'avaient pas été pris en compte dans les cahiers des charges.”

Comment y répondre ? 

À travers de la méthodologie, de la formation et de la conduite de projet. Ces trois éléments clés outillent suffisamment bien les services publics pour garder en tête à chaque instant la nécessité de proposer une solution concrète et utile aux usagers.

Le Service public partage des problématiques avec les entreprises, avec en plus, un environnement en strates et un vivier de talents insuffisant. Plutôt que de tout gérer lui-même, il a tout intérêt à trouver les forces là où elles sont et à se faire accompagner sur ses projets de transformation IT.